Anne-Laure Vincent – « Mon combat : préserver l’équilibre »

Nov 6, 2018 | Accueil, Billets & Humeurs | 0 commentaires

Les elles du Groupe BPCE : Pouvez-vous nous raconter la genèse de cette âme d’entrepreneure que vous avez ?

J’ai un parcours plutôt classique d’école de commerce. J’ai commencé dans le marketing d’un groupe industriel chimique, puis me suis dirigée vers le développement commercial dans le domaine des arts graphiques. Et là, j’ai découvert les prémices de ce qu’allait être la révolution numérique car les métiers de l’imprimerie étaient en profonde transformation. Cela m’a tellement intéressée que je me suis décidée à partir pour collaborer au développement d’une web agency, Allaban, où j’ai côtoyé des start-ups mais aussi des clients institutionnels qui se digitalisaient. Je suis alors maman de trois petits enfants. C’est dans ce contexte qu’est né Marmiton.

Parlez-nous de cette aventure Marmiton

Au départ c’est l’histoire d’une passion. En effet, avec deux collègues (Christophe Duhamel et Olivier Aboilard) de l’agence où je travaillais, une passion nous réunissait : la cuisine. Internet apportait alors un raisonnement différent du business, parlait de communauté et, d’une certaine manière, redistribuait les cartes. Marmiton, au départ c’est un projet personnel qui nous a passionné et qui est devenu une entreprise. C’est de l’intrapreneuriat, sauf qu’à l’époque ça n’avait pas de nom !

L’intrapreneuriat peut mener à l’entrepreneuriat ?

L’entrepreneuriat m’est tombé dessus sans démarche réellement pro-active, ce n’était pas la trajectoire que j’avais imaginée. Mais c’est arrivé !

On est en 2001, je profite de mon quatrième congé maternité, de ce temps qui m’était donné, pour faire le point sur l’activité de Marmiton et réfléchir le business model de ce site qui n’arrêtait pas de grandir!
Pour ce faire, je suis allée à la rencontre de la communauté de Marmiton, très active. J’ai alors compris que nous étions dans un modèle économique – évident aujourd’hui – celui de l’économie du gratuit. Il était hors de question de faire payer la communauté pour avoir accès au contenu, il fallait donc trouver une autre source de financement. C’est à ce moment que nous avons vraiment été dans une démarche d’entrepreneurs! Nous avons décidé de nous consacrer à temps plein à Marmiton en prenant le modèle publicitaire comme modèle économique. Nous avons développé l’activité tout en étant vigilants à respecter notre communauté par une déontologie forte. Par exemple, nous ne vendions pas nos bases de données, nous n’avions que des annonceurs en affinité avec le sujet. Le modèle a fonctionné et assez vite, Marmiton a suscité l’intérêt des investisseurs… 

C’est avec Aufeminin.com que nous avons choisi de nous rapprocher en 2006 et ce pour trois raisons. Les deux premières sont logiques: Aufeminin.com était leader européen des médias numériques mais aussi une marque forte et engagée sur les valeurs féminines. La troisième raison peut sembler moins cartésienne mais elle n’en est pas moins importante … Il s’agit de la rencontre d’entrepreneures! 

Avec Anne-Sophie Pastel la fondatrice d’aufeminin.com, nous avions fait de la voile ensemble étudiantes. Développer son entreprise dans un climat de grande confiance et partager une vision commune … »de femmes » (dans l’univers masculin de l’entrepreneuriat !) sont des ingrédients forts de notre réussite.

Et l’entrepreneuriat dans tout ça ?

À cette époque je restais très active vis à vis des sujets liés à la vie professionnelle des femmes et en particulier à l’entrepreneuriat. Alors que j’étais Directrice Générale du groupe, l’envie de repartir sur une approche entrepreneuriale était forte ! Construire quelque chose qui aide les individus dans leur quotidien…

Une nouvelle fois, c’est une question de rencontre et j’ai rejoint Maxicours, fondé par Benjamin Magnard, pour participer au développement de la cartographie des savoirs (qui identifie et mesure  le  degré  d’acquisition des compétences d’un élève pour lui apporter un enseignement adapté, NDLR).

C’est cette approche qui m’a donné envie de lancer une solution innovante de mesure et de certification des compétences digitales. 
Fin 2014, je crée « Alternative digitale ». Notre objectif: mesurer par un auto-diagnostic les compétences digitales des collaborateurs d’une entreprise afin de leur proposer des parcours individuels de formation efficaces et de reconnaître leur niveau par un certificat. Le client bénéficie d’une cartographie de ses compétences. Avec mon associé, Pierre Mathieu, nous avons aussi réalisé le certificat DiGiTT(R) qui est aujourd’hui officiellement reconnu par l’Etat, éligible au CPF (compte personnel de formation).

Vous inspirez les femmes par votre parcours, pouvez-vous partager avec nous votre vision de la mixité ?

C’est vrai, la mixité est un sujet important pour moi dans ma vie pro et perso. Les différences que nous avons avec « l’autre », nous obligent à réfléchir, à découvrir d’autres manières de vivre, de faire,… et à partager réellement. Même si au quotidien ce n’est pas toujours facile, c’est très enrichissant. J’ai la chance de vivre mon parcours professionnel comme un terrain où je peux exprimer mes valeurs, mes croyances et mes convictions. Avec Marmiton par exemple, nous défendions la cuisine accessible à tous; il a fallu mettre en œuvre cette mixité dans nos recettes en tenant compte des religions, des tendances (végétariens, etc.), des budgets mais aussi des allergies ! Aujourd’hui, avec Alternative Digitale, nous travaillons aussi la mixité dans la relation des individus au digital en fonction de leur métier, de leurs expériences et de leur pays. Ces graines d’utopie, transformées en business, me motivent.

Quand j’entends parler de compétences masculines vs féminines, cela m’énerve. Avec plus de légèreté, mon combat de femme aujourd’hui c’est aussi auprès de mes fils : les éduquer à accepter que les femmes soient meilleures qu’eux et au partage des tâches! Petit à petit, on y arrive!

Préserver l’équilibre dans mes vies (perso et pro) reste quand même mon challenge quotidien et les femmes lectrices me comprendront! Cet équilibre, si important à mes yeux, je le dois à ceux qui m’entourent, hommes et femmes, à ceux qui m’inspirent.